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Le Biogénopôle de l’AP-HM est l’un des plateaux techniques les plus modernes au niveau européen. Le niveau d’automatisation est très abouti compte tenu des technologies disponibles. Pour conduire cette transformation, Bruno LACARELLE et l’équipe de Cadres ont fait appel à l’ANFH-PACA pour bénéficier d’un accompagnement mobilisant la démarche d’exploration appréciative. Notre échange avec Bruno LACARELLE porte sur l’articulation qui pourrait exister entre l’IA et l’Intelligence Collective, tenant compte de l’expérience du Biogénopôle.

Retrouvez cet article dans l'édition T2 Avril 2024 du Survey Magazine.

PRAGMA : Merci Bruno de nous consacrer de ton temps pour cette conversation associant l’Intelligence Artificielle et l’Intelligence Collective. Pour ouvrir cette conversation, nous aurions besoin d’avoir quelques éléments historiques sur l’avènement de la technique et des technologies dans le domaine de la Biologie médicale.


La biologie est restée plutôt manuelle et observationnelle jusqu’aux années 1980. La nécessité de répondre plus rapidement aux demandes d’analyses, pour faire face à la forte augmentation des demandes et des besoins en biologie, ainsi que l’accroissement des connaissances plus fines avec l’émergence de nouveaux paramètres au fil du temps, a conduit à la création des premiers automates. À cette époque, on ne parlait pas du tout de robots, mais d’automates. L’automatisation a donc fait son entrée en biologie, surtout grâce aux progrès de l’électronique et de l’informatique. Cependant, à cette époque, on ne pouvait pas vraiment parler de robots, car il n’y avait pas encore de machines capables de reproduire toutes les actions humaines.

C’est grâce aux progrès de l’électronique, de la micro-fluidique et de l’informatique que les premiers automates dits « multiparamétriques » ont fait leur apparition. Ces automates étaient capables d’analyser jusqu’à douze paramètres simultanément et donc plusieurs dizaines d’échantillons par heure. Environ 20 ans plus tard, au début des an­nées 2000, on a assisté à un saut technologique avec l’apparition des premiers bras robotisés capables de reproduire les actions humaines. Par exemple, en biologie, ces bras robotisés pouvaient effectuer des opérations de pipetage, ce qui a permis d’augmenter considérablement les cadences et le nombre de paramètres analysables sur un automate.

Vers 2010, sont apparus les bras 3D capables de reproduire intégra­lement des étapes comme la centrifugation. Aujourd’hui, les robots peuvent prendre un tube, le placer dans la centrifugeuse et équilibrer les plateaux pour éviter tout dommage. Ainsi, toutes ces étapes analytiques sont désormais entièrement robotisées. Sur un plateau technique de biologie moderne, on ne voit pratiquement plus de techniciens manipuler directement ; ce sont les robots qui effec­tuent les manipulations. Les techniciens sont plutôt présents de­vant des écrans, tenant des tablettes plutôt que des pipettes.

Il est plus probable, bien que cela soit devenu rare, d’observer des tech­niciens avec des tournevis spéciaux pour des réparations. Ces machines très perfectionnées peuvent malgré tout rencontrer des pannes !

Personnellement, j’ai vraiment constaté ce changement au cours de ma carrière. Au début, les techniciens manipulaient énormément, mais au­jourd’hui, ils n’utilisent presque plus leurs mains directement ; ils sont devenus des pilotes.

Une évolution profonde des métiers, notamment des techniciens de laboratoire ?


Le technicien de laboratoire est un pilote de la production. Il ne manipule plus directement, ne se sert quasiment plus de ses mains.

D’ailleurs, aujourd’hui, un nouveau poste a été créé, celui de pi­lote de chaîne. Cette chaîne ressemble en miniature aux chaînes de production automobile, mais bien sûr, elle est beaucoup plus petite. Une anecdote intéressante est que les pilotes de chaîne ont deux grands écrans – de je ne sais plus combien de pouces - et c’est assez amusant, car ils ont mis en fond d’écran un cock­pit d’avion. Ils s’identifient vraiment au fait qu’ils soient pilote. La robotisation importante a rendu ce poste nécessaire.

Et qu’en est-il du métier de Biologiste ?

« Le biologiste - moi-même au début de ma carrière - réalisait les tech­niques les plus sophistiquées notamment les observations au micros­cope. Aujourd’hui, c’est encore l’œil du biologiste qui détermine si une cellule est normale ou anormale, et en fonction des cellules anormales observées, il peut diagnostiquer une leucémie de tel ou tel type. De plus en plus, ces images se prêtent à l’analyse automatisée, et même si les microscopes automatisés ne remplacent pas complètement l’hu­main, ils commencent à le suppléer partiellement, notamment dans ce que l’on appelle les numérations sanguines. Auparavant, le biologiste comptait les cellules lui-même avec un compteur, mais cette méthode a disparu. Aujourd’hui, ce sont les microscopes automatisés et les cy­tomètres de flux, des technologies lasers, qui reconnaissent les cellules et effectuent les comptages. La cytométrie de flux consiste en ce que les cellules passent les unes après les autres dans un flux très étroit, et la machine les compte. Ainsi, le biologiste s’éloigne de plus en plus de la technique manuelle.

Alors même si l’on s’éloigne de la production, puisque finalement, la partie analytique est de plus en plus maîtrisée par la machine, ce qui reste important, c’est de contrôler la machine. Ainsi, on met en place des processus de contrôle qui permettent de vérifier que la machine rend bien les bons résultats.

De plus, on commence à avoir des logiciels qui font automatique­ment la validation de résultats normaux. Ainsi, pour un bilan normal, pratiquement, personne ne l’a vérifié, à partir du moment où le tube est placé dans la machine, celle-ci effectue l’analyse, le bilan est produit, et un algorithme vérifie que tout est normal. Ensuite, le système d’information envoie directement les résultats sur l’écran du clinicien.

Le biologiste se réoriente ainsi vers toute la partie d’interpréta­tion et de dialogue clinico-biologique. Pour la biologie spécialisée, le clinicien a besoin d’aide à l’interprétation.
Par exemple, si l’on analyse l’ADN tumoral d’un patient et que l’on détecte une mutation, le clinicien ne sait pas forcément l’interpréter. C’est donc à nous, biologistes, d’interpréter ces résultats pour que le clinicien puisse les exploiter.

Aujourd’hui, les traitements anticancéreux sont discutés lors de staffs pluridisciplinaires, où le biologiste expose les mutations détectées et propose des traitements efficaces en fonction de ces mutations. Cela permet de décider collégialement du meilleur traitement pour le patient, suivant le principe de la médecine personnalisée. Ces avancées n’exis­taient pas du tout au début de ma carrière, où l’on répondait aux be­soins avec les outils disponibles à l’époque, même si nous discutions déjà avec les médecins. »
 
ANECDOTE SUR CE QUE LES AVANCÉES TECHNIQUES PERMETTENT DE FAIRE : 

Une femme d’âge moyen était en couple avec un chaman.

Ce dernier mettait des herbes dans son café, ce qui lui procurait du bien-être au début, mais qui a fini par provoquer des effets étranges. Elle a commencé à avoir des doutes et est venue nous voir deux mois après le début des symptômes.

Il est plus difficile de faire des analyses dans ce cas, mais il est clair que pour proposer une solution, il faut bien connaître les techniques disponibles. Et avoir une connaissance fine de ce qui est possible permet de répondre aux questions.

Ces avancées sont rendues possibles grâce aux outils que nous n’avions pas il y a quarante ans, telle que la spectrométrie de masse haute résolution.


De profondes transformations sont à l’œuvre, quelles per­ceptions, quels comportements sont observables en lien avec des craintes, des peurs, ou des bénéfices ?

Je commence à avoir une idée des avantages. Et dans ce contexte de fortes évolutions, j’observe 2 principaux types de compor­tements : ceux qui restent très impliqués dans la technique et veulent toujours comprendre le fonctionnement, et ceux pour qui cela reste une boîte noire ; ils se contentent de voir que ça fonc­tionne, ce qui les intéresse, c’est le résultat final, pas le processus.
 
L’automatisation et la robotisation vous conduisent vers une connaissance de plus en plus fine. À mesure que vous avancez dans les connaissances, vous vous autorisez fi­nalement à automatiser et à utiliser des robots. Jusqu’où faites-vous confiance à ce qui est proposé, alors que nous ne savons pas ce qu’il y a derrière ? J’entends que vous êtes peut-être concepteur ou que vous participez à la concep­tion de ces robots également, en tant que biologistes.

Je ne suis pas concepteur. Je pense que bon nombre de biologistes expriment leurs besoins aux fournisseurs en disant : « Ce se­rait bien si nous avions cet équipement automatisé. » Ensuite, cela se passe dans les centres de recherche et de développement de grands industriels et il y a des entreprises qui se spécialisent dans des niches, comme le séquençage de l’ADN, mais elles ne sont pas nombreuses. Ce sont des entreprises très innovantes, prin­cipalement américaines, parfois japonaises ou suisses-allemandes.

D’ailleurs, lorsqu’on parle de réindustrialisation de la France dans le do­maine du diagnostic, cela provient essentiellement de l’international. Les décisions sont prises en fonction des besoins américains, nord et sud-amé­ricains, et du marché asiatique. En Europe, on prend ce qui existe déjà. Quant à la manière dont nous acceptons que cela devienne une  « boîte noire », nous avons une culture en biologie qui repose sur une  qualité très développée. Nous avons l’obligation d’être accrédités par le COFRAC, ce qui signifie que tout résultat biologique produit en routine a été systématiquement validé par un processus très contrai­gnant. Avant de mettre en oeuvre une technique en routine, nous la testons pendant plusieurs semaines pour vérifier que les résultats sont fiables, reproductibles, sensibles, etc. Ce n’est pas simplement  une question d’achat de machine et de production immédiate de résultats.

Et à quoi ressemblera la biologie en 2050 ?  Quelles sont les perspectives ?

En 2050, je ne suis pas sûr, honnêtement. Pour être proche, je pense qu’on peut se projeter jusqu’en 2040, avec une grosse incertitude. Très franchement, je n’aurais pas imaginé en 2010, soit 15 ans plus tard, qu’on commencerait à utiliser le séquençage du génome humain à une telle échelle. Les chiffres exacts ne me reviennent pas en tête, il faudrait vérifier, mais grosso modo, on estime qu’il a coûté environ un milliard de dollars pour séquencer le premier génome humain. Aujourd’hui, on pense que dans les années à venir, cela coûtera moins de 100 $. Mais ça, je pense que personne n’aurait pu l’imaginer il y a 15 ans.

Donc, quels genres de parties du corps humain n’imagi­nons-nous pas aujourd’hui, mais qui pourrait faire l’objet d’analyses biologiques dans le futur ?

Alors, il y a plusieurs pistes. On peut imaginer qu’il y aura un cer­tain nombre de micro-dispositifs implantables capables de mesurer en permanence certaines choses. Ça existe déjà, notamment pour le suivi du diabète, mais cela pourrait également s’étendre à d’autres paramètres. Ensuite, il y a ce qu’on appelle la biologie délocalisée, ou encore le «lab-on-a-chip», qui est essentiellement un laboratoire mi­niaturisé. C’est un petit dispositif qui pèse environ 3 grammes. Tu mets deux gouttes de sang dedans, puis tu le places dans une machine adap­tée, et tu obtiens les résultats. Par exemple, cela pourrait être très intéressant pour répondre à la problématique des déserts médicaux.
Tu installes ces micro-laboratoires au coeur d’un territoire mal desservi sur le plan médical, et tu peux accomplir beaucoup de choses. Nous utilisons déjà cela, par exemple, dans les milieux carcéraux. Si un détenu se plaint de douleurs précordiales, au lieu de l’envoyer à l’hôpital avec une escorte, tu peux faire un test rapide sur place. Si le test détecte un marqueur cardiaque élevé, tu l’envoies à l’hôpital. Sinon, il reste en détention.

Cette biologie délocalisée, ou ce qu’on appelle le «point of care», a certainement un avenir. Mais c’est quelque chose de coûteux. Par exemple, le test dont je parlais tout à l’heure pour détecter un mar­queur cardiaque coûte environ 25 €. Si c’est pour économiser une escorte pénitentiaire, cela en vaut la peine. Mais si c’est pour un patient aux urgences, cela ne vaut pas le coup, car le test que nous utilisons coûte environ 1 €.

Il y a aussi les dispositifs implantables, les petits laboratoires miniaturi­sés, qui sont intéressants. Par exemple, dans les ambulances du SAMU, il y a un dispositif qui ressemble à une Gameboy.

Tu mets trois gouttes de sang dedans, et tu obtiens déjà un certain nombre d’informations, ce qui est utile en route vers l’hôpital.

Certains pensent que la biologie centralisée, les gros laboratoires, vont disparaître, mais je ne suis pas d’accord. Je pense que cela continuera d’exister, car tout ne pourra pas être miniaturisé. Par exemple, on parle aujourd’hui de pouvoir obtenir son génome en le testant avec une clé USB, mais que faire ensuite avec ces données ? Il faut une interprétation et de la bio-informatique derrière. Le laboratoire central sera donc de plus en plus automatisé. Les ruptures de charge dans l’automatisation sont de moins en moins nombreuses. Par exemple, ouvrir un sachet peut déjà être automatisé, c’est juste une question de coût. Je pense qu’on est proche de pouvoir automatiser entièrement une chaîne de laboratoire central. La prescription pourrait être informatisée, avec un simple clic sur un dossier patient pour demander les analyses néces­saires. Ensuite, l’étiquetage et le prélèvement pourraient être automa­tisés. Ensuite, le transport automatisé existe déjà. Ensuite, il y a juste le passage entre le système de transport automatique et la chaîne qui né­cessite encore une intervention humaine, mais cela pourrait être auto­matisé avec des bras robotisés. Une partie de l’interprétation pourrait également être automatisée, puis renvoyée au service clinique. Dans 40 ans, je pense que cela ira très vite. Je vois un laboratoire central entièrement automatisé dans un grand centre hospitalier, et aussi dans le secteur privé. Il y aura des laboratoires totalement automatisés, des dispositifs implantables, et également des systèmes de biologie déloca­lisée pour résoudre certains problèmes.

Et le métier de biologiste sera-t-il toujours là ? Et si oui, quel est ton souhait ? Qu’est-ce que tu dirais à des collé­giens pour leur donner envie ?

Le métier de biologiste va évoluer vers l’interprétation des bilans complexes, notamment dans le domaine de la médecine personnalisée. Il sera essentiel dans le lien entre la machine et le médecin clinicien. C’est un premier point important. De plus, le biologiste de demain devra être passionné par la technologie, car mal­gré l’automatisation croissante, il sera nécessaire de comprendre le fonctionnement des machines. Ce ne sera pas une boîte noire complète. En d’autres termes, les biologistes devront comprendre com­ment les robots effectuent les réactions, notamment dans les systèmes électroniques micro fluidiques, etc. Ils n’auront pas besoin d’être des experts en électronique, mais ils devront tout de même comprendre comment les machines produisent un résultat.

Cela élargit donc le champ des connaissances nécessaires pour une formation initiale.

Je pense que c’est important pour le biologiste d’aujourd’hui de connaître la chimie, même si cela a beaucoup changé. Les réactifs de laboratoire étaient autrefois uniques, et on les mélangeait avec de l’eau pour obtenir les résultats. Mais aujourd’hui, il y a de moins en moins d’alchimie et de plus en plus de biologie moléculaire. Certains diront que la biologie moléculaire est toujours basée sur des atomes, mais c’est différent des réactifs chimiques traditionnels. Il y a aussi beau­coup d’anticorps et d’immunologie derrière tout cela. Il faut connaître les techniques basées sur la reconnaissance antigène-anticorps, mais il est également important de comprendre les limites de ces techniques. Parfois, les anticorps peuvent reconnaître autre chose que ce que l’on recherche, ce qui peut entraîner des faux positifs ou des faux négatifs. C’est là qu’une connaissance technique approfondie est nécessaire.

Pour les collégiens, on pourrait dire qu’auparavant, être biologiste était un peu comme être un petit chimiste, mais ce n’est plus vraiment le cas maintenant. Si tu aimes la technologie, la robotique, et que tu veux travailler pour la santé, alors tu es le bienvenu dans ce domaine.

Avant de terminer, j’ai encore une question sur la place de l’humain, au sens large, dans ta discipline ? Quelles sont tes souhaits concernant la place de l’humain dans ta discipline ? Quelle est la limite à ne pas dépasser pour toi ?

Je pense que malgré la présence croissante de robots et d’automa­tismes, il y aura toujours des petites pannes et des problèmes à gérer. Pour recentrer les soins sur le patient, il est peu probable que les patients souhaitent être pris en charge entièrement par des robots. Ils comprendront que derrière un diagnostic, il y a tout un pro­cessus impliquant des machines et des automatisations. Par exemple, on pourrait imaginer un service de drones qui viennent chercher les prélèvements chez les patients. Mais même si les tests sont effectués par des robots, les résultats ne pourront pas simplement être envoyés par email sans explication ni contact humain. Pour des tâches très rou­tinières, comme recevoir des résultats de tests simples, une automati­sation totale pourrait être envisageable. Mais pour des situations plus complexes, comme des couples porteurs de maladies génétiques qui se demandent s’ils peuvent avoir des enfants, il faudra toujours une intervention humaine pour expliquer les implications et les options dis­ponibles. Dans le monde des soins de santé, on entend souvent qu’il y a une pénurie de professionnels de santé et que ceux qui sont présents sont débordés. Ils n’ont souvent pas le temps de consacrer aux inte­ractions humaines pour expliquer les diagnostics et les traitements aux patients. Ainsi, je pense que l’automatisation, la robotisation et l’intelligence artificielle devraient permettre de libérer du temps humain pour réhumaniser la médecine. Cependant, cela peut sembler idéaliste.

Tous ces nouveaux outils sont en réalité des assistants. Leurs objectifs sont d’être plus efficaces et rapides, ce qui devrait améliorer notre performance. Nous sommes capables de rendre les résultats plus rapidement, ce qui présente de nombreux avantages pour les patients et la gestion du flux aux urgences. Cependant, ces outils ne doivent pas nous remplacer.

Et pour conclure sur ce volet IA ?

Le potentiel problème réside dans le fait que cela va inévitablement réduire les emplois, surtout les emplois peu qualifiés. Cependant, il y a peut-être différentes façons de voir les choses. En tant que biologiste, je constate que nous sommes actuellement débordés, travaillant 45 heures par semaine. Peut-être que demain, avec une meilleure assis­tance de ces systèmes, notre performance et notre productivité pour­raient s’améliorer, ce qui nécessiterait moins de temps passé au travail. Ainsi, pourquoi ne pas envisager de travailler seulement 30 heures par semaine ? Cependant, cela devrait être envisagé sous réserve que cela ne coûte pas plus cher et que la qualité ne soit pas dégradée.

Merci Bruno. Nous allons maintenant basculer sur le volet AI (Appréciative Inquiry) ou l’Exploration Appréciative). Quelle a été la contribution de l’accompagnement I-Care de l’ANFH ?

I-Care a contribué à 2 choses principalement : cela a permis en premier lieu de sortir de la Balkanisation, cela a permis le décloisonnement des spécialités. Sur le Biogénopole du fait des échanges, 80 % des frontières sont tombées. Historiquement, les équipes des différentes spécialités étaient sur des sites différents, et parfois se regardaient en « chiens de faïence ».

Leur réunion sur le site du Biogénopôle leur permet aujourd’hui de développer la coopération. Et cela est possible entre autres par les modalités de réunion proposées et diffusées dans le cadre du pro­gramme I-Care.

La seconde contribution principale de l’Intelligence collective – via le programme I-Care- a été de définir l’organisation de la réception et de l’enregistrement des échantillons avec les personnes concernées. Plu­tôt qu’une organisation imposée par la hiérarchie amendée à la marge, l’organisation mise en place est celle proposée par les personnes ayant participé aux ateliers sur le sujet. Et cela marche !

Puisque le personnel réalisant ces tâches - déterminantes pour la qua­lité sur l’ensemble de la chaîne de valeur - a gagné en stabilité. Alors qu’habituellement le turn-over est très élevé sur ce type de poste dont les tâches sont très répétitives ; certains agents sont en poste depuis l’ouverture du biogénopôle. Les postes se sont également enrichis avec la volonté de certains agents de participer à l’accueil du public sur l’ac­tivité de prélèvement qui s’est organisée juste à côté.
De cette histoire, de cette réussite, l’un des ingrédients à retenir est l’implication du collectif cadre. L’un des modes de fonctionnement qui s’est prolongé est par exemple d’être toujours en duo sur les sujets.

L’intelligence collective s’est également instaurée au travers des conseils de plate-forme.

Et en 2050, quelle part l’intelligence collective pourrait avoir au sein de votre organisation ?

Elle aura toute sa place pour faire les choix des solutions du futur et pour organiser le contrôle des systèmes automatiques.

L’intelligence collective sera aussi mobilisée pour étudier les « Zones grises », c’est-à-dire ce qui sort des normes et du connu. L’humain reste mobilisé sur l’interprétation des situations nouvelles, inconnues. Ce qui invite d’ores et déjà à cultiver ce qui se joue dans les RCP (Réunion de Concertation Pluridisciplinaire)

En conclusion à l’IA sa puissance de calcul et l’automatisation du connu à l’Appreciative Inquiry I la puissance de la réflexion collective. L’un des enjeux pour l’avenir serait d’ouvrir l’IA - aujourd’hui pilotée par les in­dustriels - à l’Appreciative Inquiry pour élargir les conversations à l’en­semble des parties concernées. Et quand cela est le cas, comme pour le biogénopole, comme pour le dossier Patient à l’AP-HM, cela donne des projets réussis pour l’ensemble des parties prenantes y compris les premières concernées, c’est-à-dire les bénéficiaires des organisations de santé, les patients.

Interview spéciale de Bruno Lacarelle, Chef du Pôle de Biologie-Pathologie à l’Assistance Publique - Hôpitaux de Marseille, réalisée par Thierry Brigodiot, associé PRAGMA Management et Joseph Biason, chargé de Marketing


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